La voix d'Aboubakr Jamai était importante : Par Hicham Ben Abdellah El Alaoui

Voici le réaction de Hicham Ben Abdellah El Alaoui à la démission de Aboubakr Jamai de la Direction du  Journal Hebdomadaire :

"La démission D'Aboubakr Jamai du Journal Hebdomadaire marque un tournant dans sa vie ainsi que dans la récente période du journalisme dans notre pays.
Aboubakr est reconnu internationalement comme le porte parole d'un journalisme intelligent et intègre. Son travail, qui combinait aussi bien des reportages d'investigation que des analyses sociopolitiques, avec un élement de militantisme, a fait de lui une référence pour ces lecteurs.
Etait-il parfois strident? Evidemment, comme tous ceux au Maroc qui sont portés par la colère contre l'injustice. Il était plus impétueux que ceux que nous avons connus auparavant et également plus indépendant. Il était aussi une figure du journalisme marocain contemporain.
Aujourd'hui, il ressent la nécessité de se retirer à cause des pressions subies tout au long de son travail de journaliste. Aboubakr Jamai avait espéré créer un journal qui accompagnerait la transition, suivant le modèle journalstique d'El Pais en Espagne.
Rétrospectivement, les différences entre les deux situations sont clairement affirmées.
L'Espagne a eu un transtion démocratique soutenue et relativement non-interrompue. Tandis que notre pays, lui, vit un processus de transformation politique complexe, inégal et inachevé. Ceci a inévitablement mené à u niveau de frustrations et de résistances qui serait difficile à supporter continuellement par n'importe quelle personne. En dépit de sa modération personnelle, Aboubakr Jamai, avec ses collègues du Journal Hebdomadaire, ont supporté un fardeau injuste de pressions, simplement parce que la presse indépendante est désormais le seul pôle critique de la vie publique au Maroc. Comme beaucoup de sa génération, il a peut être espéré plus, et plus rapidement, d'une élite et structures politiques usées, du rôle surestimé de la socièté civile et d'une socièté dépolitisée et très difficile à déchiffrer.

Comme beaucoup, Aboubakr a essayé d'allier les valeurs du nationalisme à une espérience universaliste. Sauf que l'iniversalisme demeure hors de portée tandis que le nationalisme erre parmi nous tel le grand-père qui s'est égaré.
Je n'ai personnellement aucun doute sur la réussite des futures projets d'Aboubakr Jamai, quoi qu'il entreprenne. C'est notre pays, je pense, y compris ses critiques les plus virulents, qui, en se reveillant, se rendront compte du silence assourdissant et de combien sa voix était importante."

Extrait du "Le Journal Hebdomadaire" N°287 du 27 janvier 2007.

Hicham Ben Abdallah El Alaoui

Fondateur de l’Institut d’études contemporaines sur l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et l’Asie centrale à l’université de Princeton (Etats-Unis). Ancien conseiller du représentant spécial des Nations unies au Kosovo, chargé des droits de l’homme et des communautés. Par ailleurs, l’auteur est cousin du roi du Maroc, Mohammed VI. Source